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On Boit à l’Effondrement, Man!

 Par Suzy Wong

Inspirée par une nouvelle du JDM: 


Le
Business des Fruits de la Fin du Monde

Lise, ses soixante-deux berges bien comptées, s’attendait à rien de moins. C’était l’été de tous les sacres : le plus chaud, le plus sec comme une bine, le plus « guys, faut absolument profiter de c’te maudite minute-là avant que ça finisse ». À Longueuil, le Saint-Laurent avait pris une méchante grosse pause-café, révélant une berge toute craquée raide. « Tiens, le delta du Mékong, » a marmonné Lise, les yeux ronds. « Oh my God, j’ai jamais vu ça ».
Pis dans les fissures de ce pavement de fin du monde, y’avait des plants de tomates qui poussaient avec une sacrée insolence. Pas des vieilles quenouilles plates, non. Des tomates, un héritage probable du dernier party mal géré. « Bien sûr, » a soupiré Lise. « Le grand Sud s’invite à Longueuil. Bientôt, on va faire du vin. C’est complètement weird ».

Pendant ce temps, de l’autre bord de l’eau, à Laval, son p’tit-fils Laurent, 25 ans, était dans sa phase d’acceptation entrepreneuriale. Sa cour arrière, normalement un désert de gazon règlementaire, c’était une pépinière anarchique. « C’est un écosystème en transition, Mamie! » qu’il avait dit.

Des ronces, épaisses pis
belliqueuses, pis, plus absurde encore, des jeunes cerisiers en fleurs. Ils poussaient à travers les dalles de ciment, ignorant solide les normes municipales. « C’est une aubaine, ça! » se réjouissait Laurent. « On va launch les cerises ‘Terroir de Dalle’. Les nouveaux produits du terroir, apportés par la sécheresse pis les changements de wind ».

Lise a appelé Laurent. « Mon p’tit opportuniste climatique, j’te confirme que les derniers vestiges de la civilisation sont en train de muter. J’ai des tomates. Des tomates du river. » Elle tenait son cellulaire avec une grimace.

Laurent a ri, un rire
d’investisseur en capital-risque. « Ah, Mamie! C’est de l’amateurisme! Moi, j’ai une chaîne d’approvisionnement qui se monte toute seule, grâce à l'effet de serre! J’te le dis, les cerises ‘Dalle’, c’est le nouveau bitcoin. Le climat est en crise? On en fait un profit! » Il marchait dans la maison, plein d'entrain, le kid.
Lise a décidé qu'une intervention s'imposait. Le traversier était un exercice d’introspection face à l’eau qui baissait. À Laval, Laurent l'attendait, arborant fièrement une couronne de ronces qu'il avait tressée. Un vrai druide du réchauffement, le guy.

Ensemble, ils ont examiné le
verger spontané. La terre asséchée n’était pas un obstacle; c’était, pour Lise, la preuve que la nature est aussi têtue qu’une mauvaise habitude. «Écoute, mon chou, c’est pas un mystère,» dit-elle, pointant une ronce qui escaladait le mur. «C’est la preuve que les mauvaises herbes vont hériter de la Terre. For    real.»

Laurent a eu un éclair de génie financier. «Mais oui! On pourrait vendre des « Trousses de Survie Florale» pour les prochains étés! Tomates du fleuve, cerises de béton… C'est ça l'espoir, Mamie! C'est un nouveau marché! » Lise a levé les yeux au ciel, ce qui semblait être sa seule forme d'exercice physique ces jours-ci.

Ils ont partagé les premières minuscules tomates et quelques cerises. Le goût était... discutable. «On boit à l'effondrement, mon beau,» dit Lise, levant sa p’tite tomate comme un verre. «Mais au moins, on a des fruits. Il faudra juste s'habituer au goût de la fin du monde

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