Michel, l'homme qui a élevé la procrastination au rang d'art

 Par Suzy Wong

L'histoire que vous allez lire est basée sur des faits vécus par l’autrice! 🤣

Michel, la cinquantaine bien tassée, le poil brun comme le fond d'une casserole pis les binocles sur le nez, regardait l'horloge au bureau. J'vous jure, les aiguilles se déplaçaient à la vitesse d'une mouche dans le sirop d'érable, mais il le savait, le week-end était à nos portes. Y avait comme une p'tite lumière dans l'coin d'ses yeux, une anticipation digne d'un enfant qui attend le père Noël. Il y avait une p'tite voix qui lui chuchotait : "Ah, le week-end! Le temps de... penser à repeindre le bungalow!" C'était son grand projet, le "l'a f'ré un jour, p't-être ben qu'oui p't-être ben qu'non" qu'il traîne depuis, euh... le dernier changement de saison.

Le vendredi matin était toujours spécial. Le café avait un goût plus riche, les courriels semblaient moins urgents, et même les embouteillages ne pouvaient pas gâcher sa bonne humeur. Il saluait ses collègues avec un enthousiasme contagieux, pensant déjà à la montagne de vieux t-shirts pis de jeans troués qui l'attendaient à la maison pour la "grosse" corvée. Une corvée qui, bien sûr, n'arriverait jamais, mais l'intention était là, n'est-ce pas? Le Bon Dieu va lui reconnaître ça au moins!

Toute la journée, Michel se donnait à 110%, mais avec la légèreté d'une feuille qui vole au vent. Chaque tâche qu'il finissait, ça le rapprochait de ce moment divin : la fin du vendredi. Sa blonde, Manon, elle, c'est pas compliqué, elle savait que plus son chum avait l'air heureux, plus y avait de chances que les travaux promis soient remis aux calendes grecques. Leur fils, Léo, un ti-cul de 14 ans qui s'entraîne pour les Olympiques, soupirait déjà à l'idée d'aller "aider" son père. Il savait que "aider", ça voulait dire de regarder son père penser très fort à comment faire pour ne pas faire les choses.

Pis là, le moment tant attendu est arrivé. Le "tic-tac-tic-tac" s'est transformé en un "ding-dong" libérateur de 17h00. Michel éteignait son ordi avec un soupir de satisfaction qui aurait pu soulever un char. Il a pris son sac pis, j'vous l'dis, y était prêt à embrasser le week-end comme on embrasse la p'tite dernière à la messe de minuit. "Enfin libre! Le patio, t'as pas d'idée comme il m'attend, mon chum!" qu'il se disait, avec un p'tit clin d'œil mental à la météo qui, bien sûr, allait se gâter. Manon, en l'attendant, elle préparait déjà ses répliques. J'vous dis, elle aiguisait son sarcasme comme un couteau de chef.

Dans l'char, le retour à la maison, c'était le party! Il chantait à tue-tête, les fenêtres baissées, sentant le vent frais sur sa face. Le stress de la semaine s'est envolé plus vite qu'un moineau qui se fait chasser par un chat. C'était remplacé par l'éternel dilemme du patio. "Trop chaud pour teindre, trop frette pour teindre… pis quand c'est parfait, ben ça mouille!" qu'il se lamentait en riant. Y était déjà résigné, on s'entend. Léo, lui, il était déjà sur son smartphone. Y envoyait des messages à ses chums pour savoir qui était libre pour un match de tennis ou de basket, parce que, soyons honnêtes, le patio, c'était pas sa priorité, pis y avait pas de chance que ça le devienne, même si le Bon Dieu lui demandait.

Dans la vie, il y a deux types de personnes: celles qui font les travaux, et Michel.

Une fois à la maison, la première chose qu'il faisait, c'était d'enlever son costume de bureau pour enfiler son uniforme de week-end : le jean mou et le t-shirt sale. Il avait même une pile de vieux linges accumulés depuis des lustres, juste pour repeindre le bungalow. Ils étaient presque neufs, à force de ne jamais servir! Manon l'accueillait avec un sourire narquois : «Alors, mon amour, on a enfin trouvé le temps de changer de chemise? C'est déjà un bon début pour le projet du week-end! On est presque à l'étape de la contemplation du pinceau!»

Le vendredi soir, c'était souvent un bon repas fait maison, Manon à ses côtés, peut-être une vieille émission Une galerie près de chez vous, ou un documentaire captivant sur un énième tueur en série. Pas de réveil à régler, pas de soucis pour le lendemain. Juste la douce promesse d'un repos bien mérité. Manon le regardait avec un sourire mi-amusé, mi-désespéré. «Alors, mon amour, on attaque le patio demain? Ou la peinture du bungalow? Ou on attend la prochaine ère glaciaire pour que la glace fasse le travail?» Michel répondait avec un clin d'œil : «Chérie, la procrastination est une forme d'art. Et je suis un artiste! Un Picasso du reportage!» Léo, lui, était déjà en train de faire des pompes dans sa chambre, s'entraînant pour le jour où il devrait soulever son père du canapé.
Le samedi, il aimait se promener avec Pitou dans le quartier, visiter les marchés locaux ou, tout simplement, rien foutre. «C'est important de se ressourcer, Manon,» disait-il, les mains à taper sur son clavier d’ordinateur personnel, tandis que le patio, lui, continuait de vieillir, attendant son coup de pinceau depuis 17 ans. Manon soupirait : «Oui, Michel, et le patio se ressource aussi... en moisissure. Bientôt, il sera une œuvre d'art abstraite de la nature!» Léo, quant à lui, était parti courir son marathon hebdomadaire, loin des «projets» de son père.
Si tu as d'autres histoires à me raconter, je suis là pour les mettre en scène!

Le dimanche était plus tranquille, un moment pour se ressourcer, se préparer pour la semaine à venir sans pression. Mais même si le lundi approchait, la pensée du prochain vendredi était déjà une douce mélodie dans son cœur. Et celle du patio? C'était une vieille rengaine qui jouait en boucle, sans jamais de fin, comme un disque rayé. Léo, après ses entraînements, se reposait en regardant des vidéos de sport, rêvant du jour où il pourrait construire son propre patio, en une seule journée.

Parce que Michel, lui, il savait que chaque fin de semaine était une p'tite récompense, un rappel que le bonheur, c'est aussi dans l'attente, dans la promesse des moments simples et précieux. Pis il l'appréciait à chaque fois, même si le bungalow et le patio attendaient toujours, témoins silencieux de ses "grands" projets. Manon, elle, avait appris à aimer son Michel tel qu'il était, un éternel procrastinateur heureux du vendredi. "Au moins, il est constant dans son inconstance," qu'elle disait à Léo, qui hochait la tête, déjà habitué aux "projets" de son père. Des projets qui, un jour, p't-être bien, se réaliseraient... ou pas!

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