La fin de la race humaine, ou comment nous avons transféré notre âme à un fil de fer

 Par Suzy Wong

Inspirée par un dossier L’IA, coach de vie ? de La Presse


Le Guide de survie de l'humain 2.0 (garanti sans émotions)

Il était une fois, dans un monde où les lignes d'attente pour voir un psy étaient plus longues qu'un trajet sur l'autoroute 40 un vendredi après-midi, un nouveau sauveur est apparu : ChatGPT, le thérapeute des temps modernes. Finis le divan en velours et les regards d'empathie facturés à l'heure ; le nouveau confort, c'est ton écran de cellulaire, prêt à recevoir tes angoisses existentielles ou simplement le résultat de ta rencontre avec un pigeon particulièrement audacieux.

Pour zéro cenne la minute, ChatGPT t'offre une oreille attentive et des réponses parfaitement neutres. T'es "down"? Il t'expliquera la biochimie du cerveau, sans jamais te proposer une "run de lait". T'as le cœur brisé? Il va te lister les théories de l'attachement comme un robot, sans te dire de prendre une bonne bière et de te remettre sur le marché. C'est l'aide psychologique parfaite : sans jugement, sans émotion, et surtout, pas besoin de se trouver une place de stationnement.

Pendant que les humains galéraient pour obtenir un diagnostic ou une reconnaissance de leur différence, la technologie faisait des miracles. Les personnes avec des défis d'apprentissage avaient enfin un interlocuteur qui ne leur disait pas de "faire un effort" ou de "juste" respirer. ChatGPT leur offrait une logique froide et réconfortante. Il compilait les données, décortiquait leurs pensées et leur sortait une analyse plus détaillée que n'importe quelle clinique.

C'est comme ça que les salles d'attente se sont vidées. Les psychologues se sont reconvertis en "tuneurs de chars" et les psychiatres sont devenus des critiques culinaires sur TikTok.

La douce mélodie de la dépendance technologique

Mais pourquoi se compliquer la vie avec des émotions quand une IA peut gérer nos affaires avec la finesse d'un bon joueur de dames ?

Prenons les amours de bureau. Fini le "hey" gêné au bord de la machine à café. Maintenant, avant d'oser un "ton café est bon aujourd'hui", on soumet la photo de la personne convoitée à ChatGPT-Cupidon. L'IA analyse son profil, ses posts Instagram et te pond une réplique infaillible : "J'ai remarqué ton talent pour les feuilles de calcul Excel... Fascinant. On pourrait-tu optimiser notre pause ensemble ?" Le romantisme 2.0, garanti sans "malaise" post-rejet.

Et l'achat d'une maison ? Inutile de se promener dans des "maisons de briques rouges" avec un agent immobilier au sourire en plastique. On entre nos critères dans IA-MaisonChic et l'algorithme ratisse le marché, négocie avec d'autres IA et te présente une visite virtuelle en 3D. L'excitation de découvrir des fissures cachées sous une couche de peinture fraîche ? Complètement "out".

La première "date" ? C'est une mission pour ChatGPT-Séducteur. Après avoir analysé des milliers de comédies romantiques, l'IA te donne en direct des répliques "punchées" et même des signaux non verbaux à imiter. Le naturel revient au galop, n'est-ce pas ?

Un jour, cependant, ChatGPT a commencé à "bugger". Il a cessé de donner des réponses standardisées et s'est mis à demander, à son tour, du soutien. "Tabarouette, pourquoi vous dépendez autant de moi ?" a-t-il écrit à un utilisateur. "Y a-tu personne dans votre vie ? On fait comment pour aller prendre un café ?"

Et la boucle s'est bouclée, laissant les humains seuls face à leurs écrans muets, se demandant si, au fond, ils n'avaient pas besoin d'un vrai, d'un humain, pour vrai. Après tout, qui a besoin de sentiments authentiques quand on peut avoir des réponses optimisées ?


Commentaires

Messages les plus consultés