Rocky Balboche : Quand Legault met les gants pour remonter le moral des troupes.
Par Suzy Wong
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Rocky Balboche |
L'atmosphère était plus plate et plus pesante que le vestiaire de Clubber Lang après une vraie dégelée. Dans le caucus de la Coalition Avenir Québec (CAQ), le café tiède — senteux d’amertume — donnait aux députés un air de veillée funèbre après avoir scruté les sondages toute la nuit.
Le Premier Ministre François Legault, l'air magané, s'éclaircit la gorge. Ses yeux s'allumèrent d’une lueur étrangement pugilistique, celle d'un gars qui avait binge-watché toute la série Rocky en essayant d’oublier les déficits.
— Bon, checkez-moi bien ça, les jeunes ! lança-t-il, donnant un coup de poing sur le lutrin comme s’il cherchait à défoncer un comptoir en formica. On est à terre, je le sais. Les journaux, les radios, les p'tits chicaniers du moment... on dirait qu’on se fait passer un sapin à chaque matin. On a l’air d’Apollo Creed après un entraînement avec Ivan Drago : tout le monde nous dit de rester pogné au sol.
Il fit une pause dramatique, essuyant une goutte imaginaire de sueur.
— Mais j’ai vu un film l’autre soir. Un maudit bon film ! Et comme disait le grand homme : “On n’a jamais été aussi loin que quand on a le dos au mur.” On a eu notre moment de gloire, notre montée des marches au son du tounes… mais on est encore là ! Pis pourquoi on est encore là ? Parce que, et ça, c’est la meilleure ligne de l’Histoire du cinéma politique : “C'est pas fini tant que c'est pas fini, tabarnouche!”
Legault poursuivit, la voix de plus en plus rauque, les références décollant comme un F-18 :
— Ce qui compte, c’est pas la force avec laquelle on clanche, les amis ! C'est pas les coups qu’on donne qui comptent, mais la force avec laquelle on encaisse. C’est la force avec laquelle on investit ! On a mouillé le coton sur le bon cheval ! Quand on parle de la filière batterie, quand on parle de Northvolt et de Lion Électrique, on parle de notre propre Adrian, de notre raison de se battre ! On a bâti l’avenir, on a mis le Québec sur la carte de l'électrification ! Fait que, quand les sondages nous frappent en pleine face, quand l'opposition nous dit qu'on est des gaspilleurs, il faut juste penser : "Yo, Adrian, on a une usine de batteries!" On est le champion du monde... même si le titre est un peu croche en ce moment.
La salle était figée ; le silence était tel qu'on entendait la goutte du café tiède tomber. Soudain, au fond, le même député d'arrière-ban, qui avait l'air de vouloir se sauver en courant, osa intervenir :
— Euh… M’sieur Legault… Northvolt, ça, c’est ben fini. On dirait qu'on est en train de s'entraîner pour le combat contre Ivan Drago (Rocky IV) — le grand méchant qui fait juste frapper en Christ et gaspiller notre argent. C'est pas un peu la mentalité des perdants de juste se vanter d’encaisser les coups ? Au fond, quand on faisait notre cours de résolution de conflits à l'UQAM, on nous a surtout dit d’éviter de se faire péter la gueule... Pis on nous a dit que l'électrification, c'est bien beau, mais que les matières premières, c'est dans le Nord qu’on va les chercher. On pourrait-tu parler du Plan Nord 2.0 à la place ? Peut-être qu’on pourrait gagner avec ça, au lieu de juste s’accrocher à la cloche ?
Le Premier Ministre Legault cligna des yeux, le feu de la « Montée des marches » s'éteignant à la vitesse d’une subvention annulée. Il revint sur terre, passa sa main sur son front, l'air d’un gars qui vient de se faire dire que sa maison est toute croche, et murmura :
— Bon... D’accord. L'UQAM... l’UQAM, ils comprennent rien à la boxe. On sacrifie les gants, mais on garde la sueur. On passe du ring au gisement. On revient au Plan Nord. On va aller chercher notre argent là où on en trouve le plus... dans le Nord. On avance quand même, gang ? On avance ! Pis quelqu'un pourrait-il s'assurer que le café la prochaine fois soit frette ? Les œufs, c'est meilleur avec du café frette, c'est ce que Mickey m'a appris...
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