Gaza : Entre tragédie et rhétorique

 Par Suzy Wong

Le « plus jamais ça » : L'histoire d'un trauma

Le peuple juif, marqué par le traumatisme de l'Holocauste, a fait de la quête d'un État fort une question de survie. Ce "plus jamais ça" est la réponse viscérale à une persécution historique. Pour beaucoup, cette nécessité de sécurité est si primordiale qu'elle semble, involontairement, écraser les souffrances d'autrui. La logique, aussi tragique soit-elle, est que pour ne pas mourir, un certain degré de dommage collatéral est perçu comme inévitable.

Le « on nous a volé notre maison » : La Nakba

De l'autre côté, les Palestiniens portent le traumatisme de la Nakba, la "catastrophe" de 1948. Pour eux, la création d'Israël est synonyme de dépossession et d'exil. Leur histoire est celle d'un peuple qui a vu son existence et sa présence sur sa terre se diluer. La Nakba n'est pas un événement passé, mais une injustice qui se répète chaque jour, se manifestant sous des formes de plus en plus sophistiquées.

La collision frontale des drames

Imaginez la situation comme une collision frontale entre deux conducteurs. Chacun est convaincu d'être la seule victime.
— Le premier, le "plus jamais ça", traumatisé après avoir évité de justesse un carambolage avec un camion nazi, roule désormais dans un char d'assaut. Son véhicule est si imposant qu'il écrase tout sur son passage, y compris la petite auto d'un autre conducteur qui n'a rien demandé.
—  L'autre conducteur, celui qui crie "on nous a volé notre char", sort de sa voiture complètement démolie. Il accuse le gros char d'assaut de l'avoir forcé à sortir de sa voie. Pour lui, la simple existence du véhicule militaire prouve une intention malveillante.

Le drame de Gaza : Un accident qui ne finit jamais

Ces deux récits de souffrance se rencontrent à Gaza, dans une tragédie où experts et spectateurs se déchirent. Est-ce un accident ou un meurtre ? La violence des termes reflète la profondeur de la division.
— Pour certains, il s'agit d'un homicide prémédité. Ils citent des déclarations belliqueuses et l'utilisation de la famine comme une arme de guerre.
— D'autres parlent de génocide, soulignant le discours de certains politiciens sur l'absence d'innocents et les conditions de vie imposées.
— En face, les partisans de la thèse de l'accident parlent de légitime défense, affirmant que les pertes civiles, aussi tragiques soient-elles, sont une conséquence malheureuse de la guerre.
— Le camp opposé au terme de génocide maintient que le but est de démanteler le Hamas, pas d'anéantir le peuple palestinien, et que le langage utilisé n'est que de la rhétorique de guerre.
Pendant que ce débat sémantique fait rage, les victimes, elles, continuent de s'accumuler.

Au-delà du débat : Le vrai enjeu

Cette tragédie dépasse le simple accident. Elle est le résultat d'un conflit alimenté par la politique. Les détracteurs d'Israël y voient une politique délibérée de nettoyage ethnique, voire de génocide, soutenue par les États-Unis. Le refus d'un cessez-le-feu, les déclarations de certains politiciens israéliens et les restrictions de l'aide humanitaire sont perçus comme des preuves de cette intention de chasser ou d'anéantir une population.
Toutefois, ce point de vue est largement contesté. Pour d'autres, l'unique objectif d'Israël est la destruction du Hamas et la libération des otages. La souffrance de la population est alors présentée comme une conséquence tragique, mais involontaire, du conflit. Les États-Unis soutiennent Israël, tout en insistant publiquement sur la protection des civils et l'acheminement de l'aide humanitaire.

Une catastrophe humanitaire sans précédent

Quelles que soient les justifications, la réalité sur le terrain est une catastrophe humanitaire d'une ampleur immense. On y observe un nombre choquant de morts civiles, une famine généralisée et la destruction systématique d'infrastructures essentielles.
La morale de cette histoire, c'est que la mort des innocents est la seule certitude. Alors que les camps se racontent leurs histoires de souffrance et que les experts se perdent dans des définitions, des vies sont perdues. Le public, de son côté, regarde, blasé, les pays envoyer à la fois de l'aide et des bombes, comme si l'on donnait un Tylenol à quelqu'un qui se fait écraser par un bulldozer.
Dans ce jeu-là, il n'y a pas de gagnants. Seulement des perdants.


Petit conte pour adultes :

Le tunnel des pôles 


Il était une fois, sur un petit bout de terre, deux peuples qui se détestaient tellement que le simple fait de respirer le même air était une offense. Les Nations Unies, un club de sages en costume, se sont gratté la tête pendant des décennies. "Comment résoudre ce conflit bientôt centenaire ?" s'interrogeaient-ils. "On a essayé la paix, la guerre, les partitions, les accords... Rien ne marche !"

Finalement, un génie, dont on ne se souvient plus du nom tellement son idée était brillante, s'est levé et a dit : "Mais c'est si simple ! On les éloigne. C'est la seule solution. L'un au pôle Nord, l'autre au pôle Sud. Fin de l'histoire."

La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre. Les uns allaient au Pôle Nord, où le soleil ne se couche jamais en été. Ils étaient ravis ! "Enfin, on ne verra plus jamais leurs visages !", s'exclamaient-ils en dansant la danse du pingouin. Ils ont construit des igloos high-tech, avec du WiFi et des panneaux solaires. Ils se sont mis à élever des phoques pour leur viande et leur graisse. C'était leur nouveau "territoire promis", un endroit où ils pourraient vivre en paix, sans personne pour leur dire quoi faire.

Les autres ont été envoyés au Pôle Sud, là où le soleil est aussi rare que la paix au Moyen-Orient. Ils étaient aussi soulagés : "Nous sommes enfin débarrassés de ces gens qui nous ont tout pris !", criaient-ils en plantant un drapeau improvisé sur un iceberg. Ils se sont mis à apprivoiser des manchots, leur apprenant à pêcher et à danser la dabke. Ils ont construit des tentes en peau de baleine. C'était leur nouveau "territoire perdu", un endroit où ils pourraient pleurer leurs morts sans être dérangés.

Pendant un temps, tout a été pour le mieux. Les deux peuples vivaient leurs vies, loin de l'autre, et chacun croyait que sa propre souffrance était la seule qui comptait. Mais un jour, un explorateur a trouvé une carte ancienne. Elle montrait un tunnel secret, creusé par les pingouins, qui reliait le pôle Nord au pôle Sud.

Et c'est ainsi qu'a recommencé la guerre. Non pas pour un territoire, ni pour une religion, mais pour le tunnel. Chacun voulait contrôler ce nouveau passage pour s'assurer que l'autre ne puisse pas les atteindre. La haine, qui n'avait jamais vraiment disparu, s'est ravivée, plus forte que jamais.

L'ironie, c'est que les deux peuples ont finalement réalisé qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Ils ne pouvaient pas vivre ensemble, mais ils ne pouvaient pas non plus vivre séparément. Leur identité et leur existence étaient tellement liées à la haine qu'ils se portaient que, sans elle, ils n'étaient plus rien.

La haine était leur seule patrie commune, le seul pont qui les reliait. Et ils étaient prêts à se battre, à se tuer, à geler, pour le garder.

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