Le guide de survie de l'électrice qui n'est pas extrême-droite

 Par Suzy Wong

Il faut croire que j'ai la maudite manie d'être sensée, parce que chaque fois que j'ouvre la bouche, je me fais mettre une étiquette dans le front. C'est rendu que je me demande si j'ai le droit de penser à voix haute sans me faire prendre pour une extrémiste de la première heure.

La vie en noir et blanc, c'est plate en maudit

De nos jours, on dirait que t'as pas le droit d'avoir une opinion qui a du bon sens. Faut que tu choisisses ton camp, pis que tu sois une extrémiste de service.

• Quand je dis qu'on devrait pas accueillir plus d'immigrants qu'on a de places dans les hôpitaux ou d'appartements, je suis pas une fille méchante. Je suis juste une fille de jugement. Mais non ! T'es direct une maudite raciste de l'extrême droite. T'as beau avoir des immigrants dans ta famille, si t'es pour l'immigration "cohérente", t'es dans l'eau chaude. C'est un peu comme si je disais que j'aime le fromage, pis qu'on me traitait de l'extrême gauche.
• Pis si je crois que le transport en commun, ça devrait être un service de base, comme l'eau ou l'électricité, je suis pas une citoyenne qui veut désengorger les routes. Non, je suis une communiste écolo qui veut enlever la voiture à tout le monde. C'est le genre de chose que tu dis pis que tu te fais répondre : "Ah ouin, t'es une communiste? T'es mieux de prendre tes deux bâtons pis de t'en aller !"
• Pis la souveraineté... C'est pas une idée pour la plupart des gens, c'est juste une affaire de droite ou de gauche. Une souverainiste de gauche, c'est une extraterrestre. C'est comme le yéti, on en a entendu parler, mais on n'en a jamais vu. C'est plus facile de traiter tout le monde de nationalistes dangereux.

La complexité, à quoi ça sert ?

Faut dire que c'est fatigant de penser. C'est pas tout le monde qui veut se casser la tête avec des problèmes compliqués. C'est tellement plus simple de traiter l'autre de cave, pis de se dire qu'on a la vérité.

Le politicien, c'est comme un animateur de radio qui se prend pour une sauveuse. Il te fait croire que si tu votes pour lui, ton char va voler, pis que le prix du gaz va baisser. C'est à se demander si on vit dans une démocratie ou dans une émission de téléréalité.

Alors, d'après les savants calculs de l'analyse politique, je serais une laïciste en deuil qui ne trouve sa place nulle part. C'est dire si la situation est désespérée. J'ai l'impression de chercher une licorne en politique : la cohérence.

Le désert politique d'une électrice en quête de sens

Mon CV politique de "girouette" est assez simple, pourtant. J'ai toujours cherché un parti qui se rapproche de mes idées, mais je n'ai jamais rien trouvé de parfait. C'est comme si je me disais : "Oui, je suis déçue, oui, je cherche un sens à tout ça, mais il y a des principes que je ne trahirai pas." J'ai beau être une girouette, je ne tourne pas sur moi-même au point d'aller me ranger du côté de la droite.

Mon vote libéral, péquiste et une fois QS prouve que je peux changer de camp constitutionnel quand ça me chante, mais mon refus de voter pour la CAQ et les Conservateurs jusqu’à maintenant montre que j'ai une ligne rouge, un certain héritage.

Finalement, ma famille politique, c'est peut-être celle de tous les "indépendants" qui naviguent entre la gauche et le centre, toujours en quête d'un parti qui ne nous décevra pas, qui se rapproche de nos idées sur la laïcité, sur l'immigration et sur l'égalité. Mais qui n'existe nulle part, j'ai l'impression.