La Grande Nuit des Neurones Endormis

 Par Suzy Wong


L'horloge vient de sonner le couvre-feu. Cinquante ans. Avant, le soir, c'était le champ de bataille : une heure à me tourner et me retourner, à faire l'inventaire de mes erreurs, à compter plus que les moutons, à compter les tuiles du plafond. On appelait ça l'insomnie, la crise de la cinquantaine qui refuse de débrancher.
Mais ça, c’était avant.

Depuis que le bon vieux CADASIL a pointé le bout de son nez — cette petite farce génétique qui décide que mes vaisseaux sanguins vont faire la grève dans mon cerveau — disons que les priorités ont changé. L'insomnie ? Une blague de jeunesse. Maintenant, quand le soleil se couche, mon corps se met en mode "économie d'énergie".

Je me glisse sous ma douillette, et ce n’est même plus une décision. C’est une obligation de service. C'est comme si j'avais un petit interrupteur interne, branché directement à la prise CADASIL, qui dit : "Terminé. Fermeture pour la nuit."

Je n'ai pas le temps de penser au compte de banque ou au dîner de demain. J'ai à peine le temps de bien placer mon oreiller que pouf, je suis partie. Mon cerveau n'a plus l'énergie de faire son cinéma. Il est trop occupé à gérer la maintenance de base, le petit ménage des cellules endommagées. Il m'a largué l'anxiété comme on laisse un vieux manteau.

Alors, je souris doucement. Je n'ai plus d'insomnie. C'est une drôle de victoire, gagnée sur le dos d'une maladie dégénérative, mais c'est ma victoire quand même. Je m'endors d'un coup, sans même un soupir.

Bonne nuit ? Oui. Elle est rapide, elle est lourde, elle est non négociable. Et pour l'instant, c'est tout ce que je peux demander. Je m'éteins. À demain, si tout va bien.

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