Mon chirurgien : l'artiste de la fuite postopératoire
Par Suzy Wong
Le Dr Précision et l'Art du Dédouanement Postopératoire
Ah, mon chirurgien en orthopédie neurospinale! Un véritable virtuose du bistouri, un manieur d'aiguilles et de fils qui pourrait donner des leçons de haute couture. Il m'a ouvert le dos sur cinq niveaux, du sacré au lombaire, y a mis des tiges, des vis, des greffons... un travail d'architecte, de maître d'œuvre! Mais le postopératoire? Ça, c'est une toute autre histoire, un chapitre qu'il semble avoir relégué aux oubliettes. Pour lui, une fois la dernière incision refermée, sa mission est accomplie. C'est comme si le chef d'orchestre rangeait sa baguette après la dernière note, sans se soucier si les musiciens sont encore capables de marcher droit.
Les Hanches Récalcitrantes et le Diagnostic "Vieillesse"
Quand je lui parle de ma perte de flexion des hanches, un problème qui m'est tombé dessus juste après son "chef-d'œuvre", il me regarde avec un air grave et me dit : "Madame, c'est peut-être la chirurgie, mais... avez-vous pensé à la vieillesse?" Vous imaginez ma surprise? Moi, à trente-cinq ans, 50 ans plutôt, je serais déjà atteinte d'une sénilité articulaire galopante? Et l'instrumentation sur cinq niveaux, c'est juste un détail, une petite broderie sur mon squelette, rien qui pourrait affecter ma mobilité, n'est-ce pas?
Il refuse catégoriquement de signer quoi que ce soit, de peur que sa chirurgie ne soit pas estampillée "100% parfaite". Car, dans son univers, une opération réussie est une opération sans aucune séquelle, une toile immaculée où aucune ombre ne vient perturber la perfection. Si ça ne l'est pas, c'est que le problème ne vient sûrement pas de sa main divine, mais d'une mystérieuse force extérieure... comme la vieillesse précoce, tiens!
La Grande Évasion des Références et la Magie de l'Auto-Gestion
Il m'a gentiment renvoyée vers mon médecin de famille pour mes hanches récalcitrantes. "Moi, Madame, j'opère. Je suis un puriste de l'acte chirurgical. Ce n'est pas mon travail de vous référer à un spécialiste. Je peux bien signer la radiographie de vos hanches, mais à vous de vous débrouiller pour récupérer les résultats et ensuite, armée de votre courage et de votre débrouillardise, de demander à votre médecin de famille de vous trouver un orthopédiste ou un physiatre." Ah, la belle autonomie du patient! C'est comme si un pilote d'avion vous déposait en plein désert après l'atterrissage, vous disant : "Moi, mon job, c'est le vol. Pour trouver votre chemin, débrouillez-vous!"
Mon chum, qui était avec moi, a eu l'air un peu perdu. Je ne suis pas certaine qu'il ait pleinement "saisi" que le chirurgien était juste en train de se défiler, ne voulant surtout pas que son dossier soit taché par une chirurgie qui n'aurait pas une fin digne d'un conte de fées. Après tout, il m'a tout de même sauvé les deux jambes! Mais la vessie et les intestins qui ont décidé de faire la grève générale illimitée avant son intervention? Zéro demande de réadaptation, zéro consultation. "Ce n'était pas de ma faute, Madame, c'était votre accident!" m’avait-il lancé à un premier rencard postopératoire, avec une désinvolture qui frôlait le génie. C'est comme si le responsable des effets spéciaux disait : "Le film a explosé en vol? Ce n'est pas de ma faute, c'est le scénario!"
Heureusement, il y a des anges gardiens dans le système. L'infirmière de liaison, cette femme bête au bout mais formidable pareil, a dû se battre comme un lion pour que je puisse avoir une place à Lindsay-Gingras en réadaptation. Elle m'a littéralement mise à la porte de l'hôpital, ma sacoche à pipi et ma boîte de suppositoires en main, mais au moins, elle s'est démenée pour que je ne finisse pas ma vie à errer sans béquille.
Le Triomphe de la Chirurgie... et le Doute du Patient
Finalement, tout ce que j'ai perdu – ma vessie, mes intestins, ma mobilité de hanche – en même temps que cet accident (causé par "une pas toute à elle", une précision cruciale, ce n'était pas moi ce « elle »!), eh bien, ce n'est pas nécessairement lié à ce syndrome pour lequel il m'a opérée. Non, non, non! C'était peut-être "autre chose"! Bien sûr. C'est pour cette raison exacte qu'il m'a opérée, mais si tout était revenu à la normale, c'aurait été grâce à son scalpel magique et à sa main de maître. Par contre, comme ça n'a pas fonctionné... aucun lien, circulez, il n'y a rien à voir!
En clair, il ne donne pas de référence, ne veut pas signer un seul papier pour de la physio, de la réadaptation, ou pour un physiatre. Pour lui, sa chirurgie est réussie. Point final. Et moi, je me retrouve avec des hanches qui font la grève des mouvements et une vessie qui a des airs de diva, mais avec la douce satisfaction que mon chirurgien a une fiche de statistiques immaculée. La prochaine fois, je devrais peut-être lui demander un stage en chirurgie pour m'opérer moi-même afin que je puisse obtenir un décent postopératoire. Je suis sûre que ce serait plus simple et plus efficace!
Et vous, avez-vous déjà eu la chance de côtoyer de tels génies de la médecine? Le pire c’est qu’il est vraiment un excellent chirurgien!
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