Suzy : Respirons par le nez...

Suzy : Respirons par le nez. Répétons-nous l'un de ces mantras qu'on inventera sur le champ pour apprendre à maîtriser ton angoisse de perdre un être cher sur une des autoroutes. Te faudrait quelque chose du genre «un autre amoureux qui se tambourinait un orignal dans son pare-brise, c’est plus qu’improbable» ou «ton chéri n’ira pas trépasser sur l’autoroute des Laurentides parce que tu ne te joindras pas à lui vendredi qui vient»...

Pas que je me morfonds toujours du gars amnésique qui avait frappé un élan du Canada sur la 138, ceci est vraiment de l’histoire ancienne. Et d’ailleurs, comme chronique amoureuse, sincèrement, n’en aurais pas tant que ça à vous en révéler. Après tout, ça n’a duré que le temps d’un seul hiver et d'un seul printemps. Eh oui ! Je sais : si peu pour tant de désarroi par la suite. Quoique pour avoir hérité de cette peur bleue, comme une peur de mort; une peur de laisser le chéri prendre seul la grande route, il a quand même bien fallu que j’en sois traumatisée. Vous savez, voir quelqu’un qu’on aime, ou du moins qu’on croit aimer, le retrouver câblé de partout, parti dans le vague, le voir en abolition plus ou moins complète des fonctions de la vie, tout mutilé, les yeux sortis de leurs orbites, enflé comme une outre, ça meurtrit une p’tite madame.

Mais pourquoi suis-je en train de vous ressasser cette ancienne passade ? Pas par mélancolie. Le chéri me ravit aux anges. C’est simplement parce qu’il veut aller visiter son papa qui vient tout juste de subir deux interventions chirurgicales aux viscères. L’accroc : son papa vit à cinq heures de route et mon chéri doit donc traverser durant plus d’une heure et demi une réserve débordant de bêtes à bois. Plus exécrable encore, il compte partir après une longue semaine de labeur et fera un aller-retour. C’est pratiquement les mêmes conditions dans lesquelles le gars devenu amnésique se trouvait il y a exactement cinq ans presque jour pour jour.

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