La boucle est bouclée...

Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit 
- citation de Khalil Gibran

Mon père est décédé durant la nuit de mercredi à jeudi à la maison...

On voyait, depuis trois ans, la vie déserter le paternel. Cependant, dès dimanche le 19 juin, soit quand je suis allée rejoindre les miens à Québec parce que là c’en était certain qu’il allait succomber, j’ai réellement vu la vie quitter à vitesse grand V un être vivant. C’en était intriguant, affolant, attristant, voire dégoûtant. À dire vrai, la Faucheuse ne s’est pas fait assez rapide à mon goût. Franchement, elle n’a évidemment pas voulu se faire compatissante, autant pour lui que pour nous.

Ouvertement, je le dis, on aurait dû pouvoir hausser les doses de morphine afin de le supprimer plus hâtivement. Vraiment, c’en était repoussant de l’écouter s’évertuer à trouver son souffle; de constater prématurément que son corps se figeait, que ses extrémités fonçaient, bref, qu’il pourrissait vivant. J’en traumatise encore la nuit de l’avoir vu rancir en vie. Pire, je regrette presque de ne pas l’avoir achevé moi-même. J’me console en m’imaginant qu’en lui ayant administré sa mama morphine le plus régulièrement possible, j’ai contribué un brin à accélérer le processus. C’est sûrement cela que nous appelons une euthanasie acceptable… n’est-ce pas ?

Papa a arrêté de s’alimenter une dizaine de jours avant d’expirer. Moi, quand je suis débarquée à la maison, le jeûne avait déjà fait du gros ravage : On aurait dit qu’il avait fait l’un des camps de concentration nazi. Il était laid à voir tellement il était décharné. D’ailleurs, quand je l’ai vu dimanche au soir, il en était à ses toutes dernières heures encore dans notre monde, soit avant de s’en aller croupir dans un soi-disant coma.

Si je n’avais pas eu mon fils dans les bras, je crois que je me serais retrouvée «écrapoutillée» sur le plancher tant il était cachectique, étiolé, vulnérable. Malgré cela, même si pour l’instant je n’y parviens pas pantoute, j’essaierai de me souvenir qu’il aura souri en entendant la voix stridente de mon petit bonhomme. Ça a fait plaisir à ma mère; je dois aussi admettre que même si je ne l’ai pas aimé cet homme, ça m’a fait chaud au cœur de le voir faire la moue une dernière fois…

Papa est décédé et la vie continue. Et dans ce cas-ci, cet adage est plus que vrai. Il n’était parti que depuis quelques heures lorsque ma mère a décidé de remettre sa propre vie en vie ou sa propre vie à l’heure. Choisissez l’expression qui vous convient le mieux ! Ici, n’y voyez pas un reproche de ma part, c’est juste une petite constatation. Eh oui ! À ma grande surprise, ce n’était pas moi la plus réjouie de la fin de M. Cheong Wong. À mon grand étonnement aussi, c’est ma mère qui en a fait le deuil le plus diligemment. Elle a décidé de ne pas faire de célébration funéraire moins de trois heures après le trépas du père; de réduire dare-dare papa en cendres, de vider la garde-robe de ses vieux accoutrements et de les donner à de la parenté, de boucler sa grosse valise pour partir faire son voyage en Abitibi quatre jours plus tard. Soyez-en sûrs, c’est avec joie et de bon cœur, qu’elle s’en est allée fêter cette rencontre des Boudreau-Racicot. Et c’est tant mieux, car après tout, maman, elle, est bel et bien toujours en vie. Mieux encore, elle est enfin libre !


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